mercredi 28 mai 2014

Wahltour (tournée des élections)

Ce dimanche dernier à Berlin, c'était le jour des élections... et avec Mahällö, nous avons décidé de varier les plaisirs et de tester le vote dans deux pays différents et avec trois moyens différents (vote direct, procuration, par Internet), tout en restant dans les limites de la légalité en ne votant pas deux fois à la même élection.

 "Merkel est stupide : oui à l'Europe, non à l'Europe" : le slogan de l'anti-parti "Die Partei" qui pronait aux législatives de reconstruire le mur de Berlin (mais en plus esthétique) et qui propose désormais pour les élections européennes de bâtir un mur autour de la Suisse pour limiter l'exil fiscal.

Et... ils ont obtenu un siège d'Eurodéputé.

Ce qui a donné :
  • Dômeu vote pour les élections européennes dans un bureau de vote allemand,
  • Mahällö vote par procuration en France pour ces élections  mais
  • nous allons voter tous les deux pour un référendum de quartier, dans le même bureau de vote que pour les européennes
  • avant d'aller au consulat pour que Dômeu vote pour les "conseillers consulaires", dont je me demande à quoi ils servent en pratique (mais comme je ne suis jamais rentré dans le consultat, c'était l'occasion)
  • alors que Mahällö a déjà voté pour cette élection par vote électronique, depuis le canapé.
L'idée étant de faire une grande promenade jusqu'au bureau de vote puis jusqu'au consulat avant de bruncher pas loin et de revenir. L'occasion de comparer comment l'on vote des deux côtés du Rhin, en allant le soir assister au dépouillement afin de satisfaire la soif certaine de connaissance des lecteurs de ce blog. 




Commençons par des gros clichés : les français font dans l'apparat, les allemands dans le pratique. L'émission "Karambolage" montrait déjà ce qu'il en était pour l'assemblée nationale vs le Bundestag, nous l'avons expérimenté à une plus petite échelle. Nous n'avons pas eu le droit de prendre des photos, nous empruntons ces images aux sites "br.de" et "dusslingen.de".

L'isoloir serait parfait pour un élève qui ne souhaiterait pas que son voisin copie sur lui lors de la dictée...

À l'entrée, nous avons reçu chacun nos bulletins : un long papier pour les européennes (que Mahällö a reçu, alors qu'elle avait précisé qu'elle n'y avait pas droit et que sa convocation le précisait également, ahem) et un plus court pour le référendum local, et... c'est tout. Il n'y a qu'un seul bulletin dans lequel les partis ou les propositions sont inscrites à côté de ronds à cocher, et pas d'enveloppe (il suffit de plier après avoir renseigné son vote). 

Les isoloirs sont assez sommaires : comme sur l'image, ce sont juste des paravents à 3 battants posés sur des tables.


Et ensuite, le vote se fait dans une urne opaque (vu que le bulletin pourrait se déplier) assez rudimentaire (c'est une feuille qui sert pour obstruer la fente) et fermée à clé. Contrairement à ce que l'on voit sur ces photos, nos assesseurs étaient tous en tee-shirt. 

Résultat : le dépouillement le soir sera ultra-court et surtout, la consommation de papier (recyclé, dans le cas allemand) est réduite au maximum. [Mahällö pense cependant que les bulletins de couleur facilitent le tri.] On est très loin des standards français, avec les jolies enveloppes "République française", les isoloirs refermés avec un petit rideau et les bulletins qui sont jetés au bout de 3 secondes, tout ce que j'ai retrouvé en allant voter au consulat (où il fallait faire 1/2 heure de queue dès 9 heure du matin). Mieux : les partis n'ont pas à engager de frais supplémentaires pour imprimer des bulletins de vote, ils sont donc tous représentés à partir du moment où ils sont autorisés par la cour suprême. Ce qui donne une large variété de choix, comme en France, d'ailleurs. 

 "Des Nazis au parlement, mais pas de parti pour la protection des animaux ? Êtes-vous sérieux ?" - ils y vont tous les deux, finalement.

Et en particulier, grâce à un système de proportionnel intégral, en plus d'un député du loufoque "Die Partei", l'Allemagne envoie à Strasbourg et Bruxelles un député néo-nazi (moins drôle) et un autre du parti pour la protection des animaux. Nous avons d'ailleurs croisé un des électeurs de ce "Tierschutzpartei" dans Tiergarten en allant voter, mais il est parti avant que l'on puisse l'interroger sur les raisons de son choix...



Par ailleurs, il y avait deux référendums en même temps à Berlin : l'un concernait l'ancien aéroport de Tempelhof, dont nous avons déjà trois fois de cela sur ce blog : ici, et . L'idée de la ville est de construire des logements sur le pourtour (initiative 100% Berlin), ce qui déplaît à certains berlinois, qui aimeraient garder la totalité du parc vide (initiative 100% Tempelhof). Le vote était réservé aux Allemand, nous n'avons pas pu y prendre part. Des articles de la presse française présentent le sujet, nous n'avons pas grand chose à ajouter.


 Les affiches : "Organisation plutôt que l'immobilisme" et "objet public plutôt que construction". La première affiche est arrivée bien après la seconde, c'est donc le SPD les copieurs de slogans.

Le truc étonnant, c'est qu'on pouvait voter "Oui" aux deux. Sans doute parce que personne ne veut dire "non" à une initiative populaire et qu'il est préférable d'en proposer une alternative.

Ensuite, il y avait dans notre quartier (Charlottenburg-Wilmersdorf) un référendum sur le devenir d'un îlot de jardins ouvriers. Acquis pour 870 000 € par un promoteur, ce dernier a trouvé une faille qui lui permet de bâtir un ensemble de logements dessus. Ce qui valorise le terrain à... 25 000 000 d'euros, soit la moitié du rabotage des quais de train en France.

Là encore, une initiative populaire a permis de demander à ce que la construction soit soumise à un référendum. Et les affiches qu'ils ont trouvé n'étaient pas du tout caricaturales...

Des arbres ou du béton ?

Le quartier peut prendre des mesures pour que le terrain ne soit pas constructible... mais s'expose alors à payer la somme de 25 000 000 d'euros en dédommagement. Dans tous les cas, le promoteur est gagnant !

Nous étions concernés par ce vote, auquel participaient tous les citoyens européens de plus de 16 ans (la majorité a été abaissée pour ce référendum) résidant depuis 3 mois dans le quartier. En allant au marché, j'ai pu interroger un partisan de l'initiative (les opposants n'ont pas fait campagne) qui faisait la promotion du "oui", sans trop préciser les soucis financiers pour la mairie que cela comportait... je l'ai donc repris dans le discours qu'il faisait, il m'a dit qu'il comprenait 
  • qu'il fallait plus de logements dans Berlin, ville qui comporte beaucoup d'espaces verts et qui a des soucis concernant les loyers qui augmentent rapidement, +35% en 5 ans) du fait de l'afflux des "hipsters" (pour faire court) 
  • qu'il était un peu ridicule de dépenser autant d'argent pour des jardins privés (dans lesquels il n'est pas possible de se promener) alors que le quartier pourrait les dépenser plus intelligemment pour les plus démunis

Mais il avait son argument : "j'habite juste en face, je préfère voir des jardins plutôt que des immeubles quand je me lève !", ce qui est honnête de sa part... mais moyennement convaincant ! 

Résultat : les terrains de Tempelhof et de Oeynhausen resteront sans construction (pour notre référendum, le "oui" au projet de conservation des jardin a atteint 77%), car profitant du scrutin européen, les taux de participation nécessaires à valider les scrutins (1/4 des électeurs ayant voté la même chose) ont été atteints. 

Quant aux européennes, nous pouvons nous réjouir que la tendance ici ne soit pas la même qu'en France (les journaux ont fait leurs "unes" sur ce qui se passe de l'autre côté du Rhin, ils sont assez inquiets). Au contraire, les partis insistaient sur l'aspect positif de diminuer le rôle des frontières, qu'il s'agisse du parti pirate :




"Les frontières, c'est tellement les années 80"

Ou les libéraux :

"L'amour ne connaît pas de frontière"
Bon, ok, les deux partis n'ont pas fait des scores de fous furieux...
Pour cette dernière affiche, nous nous sommes interrogés avec un collègue : comment un parti qui s'oppose à toute aide envers la Grèce peut ensuite dire qu'il aime les gens sans frontière ? L'explication de l'épouse de mon collègue était assez caricaturale mais amusante : "peut-être qu'après toutes les bêtises que ce parti-le FDP a faites, il faut les aimer beaucoup, beaucoup, sans limite même, pour oser revoter pour eux ?". Moi, je voyait éventuellement un discret hommage au peuple ukrainien, en reprenant les couleurs de son drapeau.



J'ai demandé, toujours sur le marché [Note de Mahällö : Hé ils arrivent quand mes falafels ?], à un des représentants des libéraux de m'expliquer l'affiche. Selon ce dernier, il y avait trois messages :
  • Par rapport à l'UE, parce que cela permet la libre circulation des gens, des marchandises et des capitaux (de l'amour ? sans doute, selon les libéraux !)
  • Par rapport à l'ensemble des gens qui s'aiment, en particulier les homos, pour qu'ils ne soient pas rejetés
  • Et enfin, par rapport à l'amour sans limite pour Berlin et le FDP.
Ce qui valide donc en partie l'explication de mon collègue...

Reste la question de savoir si, dans les prochains jours, le pouvoir en Europe ne va pas se concentrer quelque part dans ce bâtiment...


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